Ce n’est peut-être pas nous. Ce n’est peut-être pas uniquement la main de l’homme qui réchauffe la planète, qui assèche les forêts, qui transforme les rivières en cicatrices de poussière. Peut-être que, sous nos pieds, quelque chose s’est mis en marche depuis longtemps. Un processus sourd. Une fièvre lente. Une montée en température que nous n'avons fait qu'accélérer, sans jamais vraiment la provoquer. Et si la Terre était en train de se brûler naturellement ? On parle de réchauffement climatique comme d’un dérèglement externe, causé par le CO₂, le méthane, la déforestation. Mais certains signes échappent à cette explication. Le pergélisol sibérien qui dégazait bien avant nos grandes industries. Des poches de chaleur profonde détectées dans des zones géologiquement stables. Des lacs qui disparaissent sans cause humaine directe. Des forêts qui s'enflamment d'elles-mêmes, sans foudre, sans allumette, comme si la nature avait envie de s’embrasé. Le noyau terrestre se réchauffe-t-il ? La croûte devient-elle plus fine ? Les énergies internes de la planète sont-elles en train de remonter lentement à la surface ? Ce ne serait pas un phénomène instantané. Plutôt un glissement progressif, imperceptible à l’échelle d’une génération humaine. Un basculement géophysique dont nous ne serions que les témoins, ou les accélérateurs. Et si nous avions mal interprété les signes ? Si les glaciers fondaient non parce que l’air se réchauffe, mais parce que la Terre en dessous respire plus fort ? Si les tremblements, les éruptions, les anomalies thermiques, les zones mortes dans les océans formaient un langage que nous refusons de lire ? Non pas un effondrement écologique. Mais une mue. Une planète n’est pas un objet figé. Elle vit, change, évolue. Peut-être que ce que nous appelons catastrophe est, pour elle, simple transformation. Peut-être que ce feu que nous redoutons est son processus naturel, son prochain visage. Et nous, dans tout ça ? Nous brûlons avec elle. Pas par punition. Pas par erreur. Mais parce que nous sommes faits de cette Terre, et que, quand elle chauffe, nos os aussi deviennent cendre. La Terre brûle, et peut-être que c’est naturel Ce que nous appelons « dérèglement climatique » n’est peut-être que le reflet d’un aveuglement. Nous avons construit notre vision du monde sur un récit dans lequel nous sommes le centre : le problème, l’auteur, la victime. L’humain comme moteur unique de la catastrophe. L’humain comme parasite. L’humain comme destructeur. Mais peut-être avons-nous tort de croire que tout vient de nous. Car si l’on regarde autrement, sans chercher à se disculper ni à s’accabler, une hypothèse dérangeante émerge. Une question que personne ne pose vraiment, tant elle dérange nos récits : et si la Terre était en train de se brûler elle-même ? Un feu venu du sol Depuis plusieurs décennies, des anomalies thermiques sont relevées dans les sous-sols terrestres. En Alaska, en Sibérie, dans le nord du Canada, d’immenses étendues de pergélisol s’affaissent, libérant des gaz anciens. Certains chercheurs expliquent ce phénomène par le réchauffement de l’atmosphère dû aux émissions humaines. Mais d’autres, plus discrets, soulignent que la température du sous-sol remonte parfois sans explication directe, depuis les couches profondes. Les lacs disparaissent, absorbés par une terre qui chauffe. Les racines des arbres, dans certaines zones tropicales, meurent littéralement par « coup de chaleur ». En Californie ou en Australie, des feux naissent spontanément, sans la moindre étincelle humaine. On les attribue au climat. Mais si c’était autre chose ? Si la croûte terrestre se transformait ? Si la planète, à très long terme, augmentait naturellement sa température interne ? Un phénomène lent, peut-être cyclique, peut-être inévitable. On sait que le noyau de la Terre est en mouvement, que la chaleur interne du manteau ne s’est jamais arrêtée. On sait que les continents se déplacent, que les plaques s’écartent, que des panaches de magma montent sous nos océans. Et si cette mécanique s’accélérait, non pas sous l’effet de nos actions, mais comme une respiration propre au vivant terrestre ? Une montée en tension thermique, à l’échelle de plusieurs millénaires, dont notre époque ne serait qu’un passage — l’un des derniers avant basculement. Les signes que l’on refuse de voir Les océans, désormais, se réchauffent jusque dans leurs abysses. Pas seulement en surface, comme on l’a longtemps pensé, mais à des profondeurs où la lumière ne pénètre jamais, où la chaleur de l’air n’a que peu d’emprise. Des courants profonds s’emballent. Des zones entières perdent leur oxygène. Comme si l’eau elle-même étouffait lentement. Dans le même temps, la Terre se dessèche. Les nappes phréatiques ne se reconstituent plus. Les déserts avancent. Les forêts brûlent avec une facilité déconcertante. Bien sûr, nos actions aggravent tout cela — mais sont-elles vraiment l’origine ? Ou bien sommes-nous simplement en train d'accélérer un processus qui nous dépasse ? L’humanité a cette manie de croire que tout ce qui se passe est de sa faute. Ce réflexe de culpabilité peut sembler noble. Mais il cache peut-être une erreur plus profonde : nous oublier que la planète, elle aussi, a ses dynamiques. Ses cycles. Ses transformations. Elle n’est pas un décor passif que nous avons abîmé. Elle est un être vivant, complexe, mouvant, qui vieillit, mue, et peut-être… se brûle. Le feu comme processus naturel Dans les forêts anciennes, certains arbres ne germent qu’après un incendie. Le feu n’est pas leur fin, mais leur commencement. Le brasier libère les graines, ouvre le sol, renouvelle les équilibres. Et si la Terre appliquait ce principe à elle-même ? Et si le feu global n’était pas un effondrement, mais un passage ? Un nettoyage violent, aveugle, mais vital ? Une régénération à l’échelle planétaire ? Cela ne signifie pas que nous sommes innocents. Nous avons appuyé sur les accélérateurs : surproduction, extraction, consommation. Mais nous ne sommes peut-être pas les seuls acteurs de la catastrophe. Peut-être que ce que nous vivons n’est pas simplement une crise climatique… mais un événement géologique. Un réveil du sol. Un cycle majeur dans la vie d’une planète vivante. Et après ? Si cette hypothèse se confirme, si la Terre est bien en train de se transformer par ses propres forces, alors il nous faut changer de regard. L’écologie ne serait plus un combat contre nous-mêmes, mais une tentative de cohabiter avec une planète en mutation. Nous ne pourrons pas empêcher l’embrasement, mais peut-être pourrons-nous y survivre, en en comprenant le rythme, les signes, les lois profondes. Cela implique d’écouter. D’observer non pas depuis nos satellites, mais depuis les entrailles. D’apprendre à vivre avec le feu, non comme une menace, mais comme un langage. Car la Terre ne se venge pas. Elle ne punit pas. Elle change. Et c’est à nous, désormais, de décider si nous voulons changer avec elle… ou disparaître dans sa fièvre.